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Résumé :
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Les prairies constituent un pilier de la durabilité des systèmes d’élevage, tant par leur rôle dans l’alimentation animale que par la diversité des services écosystémiques qu’elles procurent. Toutefois, leur vulnérabilité face au changement climatique, notamment en zones arides et semi-arides, fragilise l’équilibre économique des exploitations pastorales dépendantes des ressources naturelles. Dans ces contextes, la raréfaction et la variabilité des pluies favorisent la dominance de plantes annuelles, mieux adaptées aux perturbations mais à cycle court, dont la dynamique dépend étroitement de la banque de semences. Ce travail s’inscrit dans une double perspective écologique et économique. Sur le plan biophysique, il vise à adapter le modèle mécaniste ModVege, initialement conçu pour les prairies permanentes tempérées, afin de représenter la croissance et la reproduction des plantes annuelles. L’ajout d’un compartiment « SeedBank », combiné à la révision de plusieurs équations physiologiques, permet de simuler leur cycle complet, depuis la germination conditionnelle jusqu’à la sénescence. Les simulations réalisées montrent des dynamiques interannuelles de biomasse fortement dépendantes du climat, mais cohérentes avec le comportement d’espèces annuelles, avec des productions variant de 1,2 à 2,6 t MS ha⁻¹ selon les années simulées, illustrant la forte dépendance des annuelles à la disponibilité hydrique. D’un point de vue agroéconomique, ces résultats éclairent la relation entre la gestion des prairies et la performance des systèmes d’élevage extensifs. En testant des scénarios de fauche à différentes dates (160 jours, 303 jours et combinaisons intermédiaires), ce travail met en évidence des arbitrages entre rendement immédiat et régénération des ressources prairiales : une coupe précoce maximise la production à court terme mais compromet la réserve de semences, alors qu’une coupe tardive favorise la durabilité écologique au détriment du revenu de la campagne. Cette tension reflète la logique classique d’un compromis entre productivité et résilience, au cœur des stratégies d’adaptation des éleveurs. L’analyse économique exploratoire conduite à partir des sorties du modèle a permis de quantifier les marges brutes selon les scénarios et de souligner les retombées différenciées sur le revenu. En allant de 196 €.ha-1pour des scénarios précoces à moins de 5 €.ha-1 pour des scénarios tardifs. Elle illustre le potentiel de la modélisation agroécologique comme outil d’aide à la décision pour optimiser la gestion des coupes et orienter les pratiques selon les objectifs de l’exploitation (sécurisation alimentaire du troupeau, maintien de la fertilité du sol, réduction du risque climatique). Ce type d’approche intégrée contribue ainsi à renforcer la viabilité économique et la durabilité écologique des systèmes pastoraux, en reliant les trajectoires biophysiques des prairies à leurs impacts socio-économiques à moyen terme.
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