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Résumé :
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L’évaluation de l’envasement des barrages constitue un enjeu majeur pour la gestion durable des ressources en eau au Maroc, où l’accumulation de sédiments dans les retenues réduit considérablement leur capacité de stockage et menace leur rôle stratégique dans l’approvisionnement en eau, l’irrigation et la production hydroélectrique. Dans ce contexte, ce travail propose une démarche intégrée visant à modéliser et à prédire l’évolution de l’envasement à l’échelle de cinq bassins (El Hachef, Neckor, Loukkos, Tleta et Moulouya), en mobilisant des données climatiques, pédologiques, topographiques et issues de la télédétection. Deux approches méthodologiques ont été comparées: (i) la régression linéaire mixte, qui permet de tester l’effet des variables explicatives et de mettre en évidence les facteurs dominants tels que la pluviométrie, la température et certaines propriétés des sols, et (ii) des modèles d’intelligence artificielle (AI) (Random Forest et XGBoost), capables de modéliser les relations complexes et non linéaires entre variables. Les résultats mettent en évidence la capacité de la régression à fournir une compréhension claire des mécanismes et des déterminants de l’envasement, mais également ses limites en termes de performance prédictive. À l’inverse, les approches d’intelligence artificielle présentent une précision nettement supérieure, réduisant significativement les erreurs de prédiction - évaluées par l’erreur quadratique moyenne (RMSE, qui pénalise davantage les écarts élevés) et l’erreur absolue moyenne (MAE, moyenne des écarts en valeur absolue) et générant des cartes spatiotemporelles plus réalistes. L’étude souligne ainsi la complémentarité entre ces deux familles d’approches : la régression linéaire mixte, privilégiée pour l’analyse scientifique et l’interprétation des processus, et les modèles d’intelligence artificielle, plus adaptés à des applications opérationnelles de suivi et de gestion intégrée des barrages. Concrètement, le cadre régressif explique près de l’essentiel de la variabilité (R² ≈ 0,81), tandis que les modèles d’IA atteignent des performances de haut niveau sur données de test (jusqu’à R² = 0,957 et RMSE = 1,004 t/an/pixel à El Hachef ; R² = 0,914 et RMSE = 38,67 t/an/pixel à Neckor), et restent informatifs même dans les contextes les plus complexes (Moulouya : R² = 0,664 ; RMSE = 2 438 t/an/pixel). Couplées à un calibrage par intervalles sur levés bathymétriques, ces approches produisent des cartes spatiotemporelles robustes pour la priorisation territoriale et captent les épisodes extrêmes de comblement (jusqu’à 15,84 %/an au barrage Mohamed V). Ces résultats ouvrent la voie à un renforcement des outils d’aide à la décision pour une planification et une gestion durable des ressources hydriques face aux pressions croissantes du changement climatique et de l’empreinte anthropique.
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